Existe-t-il des signes avant-coureurs d’une véritable anorexie mentale ? L’anorexie concerne majoritairement les jeunes filles (9 cas sur 10). Les premiers signes d’une anorexie dite ” essentielle de l’adolescence ” sont : – une restriction alimentaire importante, surtout pour les aliments caloriques (sucrés et/ou gras), par une démarche volontaire et active, véritable lutte contre l’appétit. – un amaigrissement rapide et brutal – la disparition des règles (aménorrhée), liée à l’importance de la dénutrition et de la dimension psychologique. D’autres comportements répétitifs peuvent être associés : – L’hyperactivité physique par exemple qui se manifeste par la pratique du sport à outrance (jusqu’à 5 à 6 heures par jour !) – Le retrait affectif : peu ou pas d’amis, et le désinvestissement majeur de la sexualité – Un investissement scolaire important qui fait souvent des anorexiques des élèves dociles travaillant beaucoup et obtenant d’excellents résultats, ce qui fascine leurs professeurs – Une tristesse qui transparaît malgré un discours voulant laisser croire le contraire par déni de la maladie : ” je ne me suis jamais sentie aussi bien “. Et d’autres signes moins visibles, car cachés et honteux mais non moins inquiétants : – Des vomissements provoqués – L’ingestion de médicaments pour maigrir Sans rentrer dans les stéréotypes, existe-t-il des sujets plus particulièrement à risque ? Les adolescents devenus anorexiques ont souvent été des enfants ” modèles “, sans histoire, qui ne posaient jamais de problèmes. Lorsque la maladie se déclare, et même en présence de signes assez évidents, il existe un déni de la maladie, non seulement de la part de la malade, mais également de la part de la famille qui refuse d’en voir l’agressivité, malgré l’angoisse qu’elle génère, et même parfois encore un déni du corps médical qui occulte la dimension mentale de la maladie. En quoi consiste le traitement de l’anorexie D’abord lutter contre la maigreur et la dénutrition, qui peuvent avoir des conséquences irréversibles sur la croissance ou entraîner une ostéoporose à l’âge adulte. Le deuxième volet consiste en une psychothérapie individuelle : c’est essentiel. C’est la parole qui va guérir, une parole authentique et généreuse qui a du corps. Dans les cas les plus sévères, on envisage une séparation d’avec le milieu naturel pour supprimer les différentes pressions dont l’adolescente fait l’objet : pression des résultats scolaires, pression de la mère qui veut faire manger à tout prix, et pression interne de garder son symptôme comme défense contre les angoisses de l’adolescence… Peut-on guérir définitivement de l’anorexie ? L’objectif, pour nous psychiatres n’est pas qu’elles deviennent ” normales “, mais d’arrêter les conséquences physiques des carences nutritionnelles, de traiter la souffrance psychologique, et de permettre de renouer le contact avec ses pairs. Dans 75 % des cas, l’évolution sera satisfaisante. Mais 20 % deviennent des anorexiques chroniques, en retrait de la société. Et 10 % environ en meurent. Un conseil à toutes les mères qui se posent des questions sur leur enfant… A toutes les mères qui se sentent intriguées par le comportement de leur fille, ou débordées par des réactions qu’elles n’arrivent pas à comprendre, je conseille de ne pas hésiter à consulter un pédopsychiatre. Mieux vaut une consultation ” pour rien “, qui n’aggravera pas un comportement normal que passer durablement à côté d’une anorexie mentale… Propos recueillis par Mickaëlle Bensoussan